HANTAÏ

« Les six toiles exposées, de la collection privée de la fondation Gandur, désormais partenaire du musée, représentent une partie de l’œuvre de l’artiste, entre 1951 et 1962. « On y voit bien l’évolution de la toile peinte jusqu’aux premiers pliages, qui deviendront l’expression majeure de Simon Hantaï », décrit Sylvain Amic, le directeur de la Réunion des musées métropolitains. Après un bref passage auprès des surréalistes, en questionnement sur la place de l’abstrait dans le mouvement, Simon Hantaï développera effectivement ses propres recherches pour une peinture très gestuelle, puis de plus en plus à l’aveugle en utilisant les plis naturels de la toile. « Des jeunes peintres se sont ensuite référés à lui. Ils en parlaient comme de leur maître spirituel, comme Buren », explique Daniel Hantaï, le fils de l’artiste, présent pour l’inauguration. »

 

À propos de Hantaï, je ne peux que vous recommander la lecture du chapitre de Daniel Sibony Psychanalyste: « Les entailles de l’autre-lumière » dans son livre FANTASMES D’ARTISTES dont je vous livre quelques extraits.

 

« Vous vous présentez dans la vie de façon nette et innocente, comme une grande toile blanche, et la rencontre de l’autre ou de l’évènement vous froisse… ensuite vous vous retrouvez aplati, non pas écrasé, mais plus ou moins mis à plat; puis vous êtes exposé à différentes lumières … qu’on vous passe dessus; enfin, au bout d’un certain temps, vous commencez à vous redresser, vous déplier, vous déployer, comme sous l’effet d’une résilience, d’un rappel à la vie; alors vous entrez dans le champ de Hantaï, vous êtes à l’image d’une de ses oeuvres. »

« S’affirmer dans sa brisure même est un des secrets de l’humain. La plupart s’affirment malgré elle, rarement par elle, d’autres ignorent qu’ils sont brisés, c’est le clivage. Ici, c’est une affirmation lumineuse non pas de soi mais d’un soi en dialogue avec son autre; l’autre, c’est le refoulé qui revient mais qui est blanc: son existence suffit, et surtout son retour, qui porte le reste et le rend plus éclatant. »

«  Il est clair qu’entre pliage et déploiement, c’est une vaste interaction, un entre-deux dynamique et subtil, plein de bavures aléatoires qui rappellent à la vie. Entre les blancs du refoulé qui revient et les formes colorées, le tiers qui s’impose, c’est l’oeuvre elle-même, la Toile. »

« Hantaï se compare à Rothko dans l’impulsion de la démarche: faire éclater la lumière d’être ou l’être de lumière, en beauté. »

« Revenons en au fantasme de Hantaï. Dans un film sur lui, il explique sa fascination d’enfant pour les tabliers de sa mère, pour leur métamorphose à mesure qu’on les lavait, qu’on les repassait. Et il cite cette parole de sa mère: « Quand c’est bien fait, le travail, on peut prendre le tablier, on se regarde dedans, on se voit comme dans un miroir. » Ainsi aurait-il donc plié-déplié, les « tenues » de sa mère? ses habits, ses habitudes ou ses plis? Voilà qui peut parler à des analystes. La blanc serait-il la partie cachée de la mère, sa nudité? qui revient en force porter l’essentiel dialogue avec la lumière? Cela nous rapproche un peu plus de ce qui serait son fantasme. Déjà le geste majeur de sa peinture _ plier la toile avant de la peindre_ signifie: passer à l’acte l’existence du refoulé…..C’est une façon de respecter l’existence de l’interdit: il s’interdit de voir des parties de la toile, des parties qui sont cachées, puis soudain révélées, quand le peintre, passant sous la toile comme sous une tente, ou comme un enfant sous la jupe d’une mère cosmique, en ressort pour voir mieux, avec nous, l’émerveillement du refoulé qui se même au visible. Ce blanc qui revient structurer tout l’ensemble, nous l’avons perçu comme la nudité de la mère. Difficile de ne pas penser à Oedipe qui s’aveugle lui-même de l’avoir vu et même d’en avoir joui, de ces parties cachées de la mère. L’artiste, lui, prenant appui sur sur la richesse de la lumière s’attaque vaillamment au « tas plié » pour sortir vainqueur de l’épreuve. »