Extraits du dialogue Diotime – Socrate du BANQUET de PLATON (205b) sur les effets de l’amour.
Quels avantages l’Amour
procure-t-il aux hommes?
Celui qui est amant des belles
choses, qu’aime-t-il?
– Qu’elles deviennent siennes.
Et qu’en sera-t-il pour celui à
qui il arrivera que les choses bonnes soient devenues siennes?
– Il sera heureux.C’est en effet
par la possession des choses bonnes que les gens heureux sont heureux.
Ce souhait et cet amour,
penses-tu qu’il soit quelque chose de commun à tous les hommes et que tous
souhaitent une perpétuelle possession des choses bonnes?
– C’est aussi mon avis, répondis-je: ils sont
quelque chose de commun à tous les hommes.
Puisqu’il en est ainsi, pourquoi,
Socrate, de tous, ne disons-nous pas qu’ils aiment? Oui s’il est vrai que des
mêmes choses ils soient tous et toujours amoureux? pourquoi au contraire,
disons-nous de certains qu’ils sont amoureux, et ne le disons-nous pas de tels
autres?
- Je ne suis pas, moi aussi sans m’en étonner! répliquai-je.
Eh bien! dit-elle, il ne faut pas
que tu t’en étonnes. Après avoir en effet, tu le vois bien, mis à part une
certaine forme d’amour, nous l’appelons amour, en lui attribuant le nom de
l’ensemble; tandis que pour les autres formes nous avons recours à d’autres
dénominations.
- Qu’y a-t-il de comparable? demandais-je.
Voici. Tu sais fort bien quelle
multiplicité de sens à l’idée de création. Sans nul doute en effet, ce qui est cause de son passage de la non existence à
l’existence, est dans tous les cas une création.
-Tu dis vrai!
Cependant tu sais fort bien,
reprit-elle, que néanmoins on ne les appelle pas créateurs mais poètes.
Et maintenant il en est de même
dans le cas de l’amour. D’une façon générale, tout ce qui est désir des choses
bonnes et du bonheur, c’est cela qu’est Amour. Les
uns qui, de maintes façons différentes s’orientent vers lui, que ce soit dans
le domaine des affaires ou dans celui d’un penchant, soit pour les exercices du
corps soit pour la culture de l’esprit, on ne dit pas d’eux qu’ils aiment, on
ne les appelle pas des amoureux, tandis que les autres, dont les démarches,
dont le zèle s’ordonne à une unique forme, ce sont eux qui retiennent le nom de
tout, amour, eux dont on dit qu’ils aiment, qu’on appelle des amoureux.
- Il se peut fort bien, dis-je, que tu sois dans le
vrai!
Sans doute, poursuivit-elle, il y
a une doctrine d’après laquelle ceux qui cherchent la moitié d’eux-mêmes, ce
sont eux qui aiment. Ma doctrine à moi affirme que l’amour n’est amour ni d’une
moitié ni d’un entier, à moins que de quelque manière, camarade, ils ne soit justement une chose bonne! Car ce
à quoi vont les aspirations de chacun, ce n’est pas je pense, à ce qui est à
lui, à moins que ce ne soit le bon qu’on appelle propre et à soi, étranger au
contraire le mauvais: preuve que rien, en vérité, hormis le bon n’est aimé des
hommes! Est-ce à leur sujet, ton opinion?
- Oui par Zeus! m’écrivais-je, quant à moi je n’en ai
point d’autre!
Mais, reprit-elle, est comme cela
tous uniment, qu’on parle de l’amour des hommes pour ce qui est bon?
Eh quoi? reprit-elle? Ne faut-il
pas ajouter qu’ils aiment que ce qui est bon soit à eux?
Mais, dit-elle encore, non pas
seulement qu’il soit à eux, mais qu’il soit à eux perpétuellement ?
- Voilà ce qu’il faut encore ajouter.
En conséquence, conclut-elle,
l’objet de l’amour, c’est dans l’ensemble, la possession perpétuelle de ce qui
est bon.
– Rien de plus vrai que ce
langage!